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Comment penser chien ?

Nous terminons ce premier thème « communication interspécifique » en nous consacrant au chien et plus particulièrement à sa manière de voir le monde.

Partageant avec lui notre univers depuis des milliers d’années (au moins 30 000 ans). Nous lui avons ouvert nos portes, nous le laissons rentrer complètement et totalement dans nos vies. C’est une belle et formidable rencontre, celle de l’Homme et du chien, mais savons-nous ce qu’est un chien finalement ? Si nous devions en donner une définition que dirions-nous ?… Ces questions sont d’autant plus déroutantes qu’elles restent sans une réponse précise et claire. 

Si nous observons un instant les chiens ensemble, que pouvons-nous voir ? Ils nous offrent un merveilleux spectacle d’interactions pour peu que nos yeux soient familiarisés à cela. Lors d’une première rencontre, deux chiens bien socialisés connaissent les signaux à utiliser en face d’un autre congénère. Ils les ont connus lorsqu’ils ont appris à « être chien » avec leur mère et leur fratrie.

« L’intelligence animale n’est pas une intelligence humaine moins évoluée que celle de l’homme, mais tout simplement une intelligence différente ».

Dominique LESTEL, philosophe

Entre l’Homme et le chien, l’intelligencen’est pas une question de degré mais de nature. Je m’appuie d’ailleurs sur le merveilleux livre de Frédéric Lenoir (« lettre ouverte aux animaux e à ceux qui les aiment »). En effet, l’Homme ait doté d’une intelligence conceptuelle, il est capable de remonter loin dans le passé ou d’aller loin dans le futur pour faire des liens entre les événements. L’animal, lui, est doté d’une intelligence instinctive. Il fait le lien dans l’instant présent. Il arrive cependant qu’en cas de traumatisme il fasse l’association entre un stimulus et une sensation fortement désagréable. 

L’association ! C’est le maître mot pour tout apprentissage. Même s’il est vrai qu’il est nécessaire de faire des répétitions pour que l’association se produise, le cas du traumatisme possède une valeur émotionnelle très puissante et l’animal apprend à travers l’expérience. 

Un monde de sens

Comportements et émotions

Que pourrait signifier le « penser chien » ?… Une simple affaire de comportement ? A mon sens, « penser chien » va plus loin que cela tout simplement parce que l’individu est plus qu’un comportement. Pour penser chien il faut comprendre le sens du mot « relation » à travers les yeux du chien. Bien qu’il soit rentré dans nos vies il y a fort longtemps, ses codes sociaux sont restés les mêmes. Son monde et sa vision ne peuvent pas être autre chose que ce qu’ils sont; non pas que le chien soit incapable d’adaptation, mais tout simplement parce qu’un chien… est un chien. Il est tout à fait normal que nous voulions lui accorder des comportements d’humain puisque nous-mêmes fonctionnons comme tel, cependant notre intelligence nous permet d’apprendre d’autres codes sociaux que les nôtres, nous pouvons conceptualiser d’autres mécanismes.

Le chien ne peut vivre avec d’autres codes sociaux que les siens car son cerveau n’est pas celui d’un humain tout simplement. Cela ne veut en aucun cas dire que le chien est une « machine » insensible, bien au contraire ! Tous les animaux vivent selon leurs propres codes, nous sommes les seuls capables d’intellectualiser les codes des autres espèces. Profitons donc de cette belle capacité pour apprendre à parler chien et pour nous adapter au mieux à eux !

Un système organisé

Le système de meute est inexorablement lié à sa vision du monde car un chien est un animal grégaire, social et sociable. Qu’est-ce que cela signifie ? Eh bien nous pouvons résumer cela en disant que le chien a besoin d’interactions. Qu’il s’agisse d’interactions avec ses congénères ou bien avec les humains. Il a également un grand besoin de stabilité, par stabilité j’entends le besoin de savoir qu’il peut compter sur son maître pour savoir où il va et quels bons comportements adopter en cas de situations complexes ou conflictuelles. Pour lui, il est impératif qu’une place de leader soit prise par un individu au sein de la famille, cela relève pour lui d’une question de survie.

La raison en est simple, c’est l’alpha qui protège, nourrit et guide sa meute. C’est un statut qui demande beaucoup de responsabilités et pour cause, le bien-être des individus en dépend. Au-delà même de la simple nomination d’alpha, de dominant ou de soumis, c’est une question d’équilibre, de cohérence, d’instinct, de vie et de survie. Lorsque l’on parle d’alpha, on voit souvent une caricature de tyran, un alpha n’est certainement pas un individu maltraitant, certains individus alpha peuvent être plus autoritaires que d’autres peut-être, tout comme certains pères de famille le sont avec leurs enfants. Son rôle premier est de maintenir l’équilibre dans sa famille.

« Il est parfois difficile de savoir qui, dans une famille, commande : le mari, la femme, la belle-mère, ou la cuisinière. Mais le chien de la maison, lui, ne s’y trompe jamais. »

Marcel PAGNOL

Au-delà de la structure sociale inhérente à l’espèce canine, tous les animaux possèdent également leur propre caractère et agiront de façon différente à un même stimulus. Penser chien, c’est la capacité à s’adapter à cet ordre social hiérarchique, c’est la capacité à respecter cette réalité et intégrer l’idée que le chien est chien et agit en tant que tel. C’est comprendre que pour lui, un environnement stable est un environnement contrôlé et maîtrisé par un alpha, si tel n’est pas le cas il tentera de le maîtriser par lui-même pour (ré)établir une cohérence liée à son espèce. Cela peut se passer sans aucun problème, ou au contraire générer du stress en fonction du caractère de l’animal. 

Une « bêtise » pour qui ?

Nous avions parlé plus haut d’association, et plus particulièrement d’association entre le stimulus et la réponse. Que tous les humanistes et amoureux de la nature se rassurent tout de suite ! Je ne vous parlerai jamais « d’animal machine ». Ma philosophie de vie me dirige plus vers les liens émotionnels que chaque individu peut créer. Le reflexe stimulus-réponse est cependant une réalité observable qui s’inscrit dans un système complexe. J’entends ici la corrélation entre un comportement adaptatif et l’environnement. Nous avons tous entendu parler de chien « jaloux » ou « qui sait qu’il a fait une bêtise ». Pour que le chien puisse en effet comprendre qu’il a fait une bêtise au sens humain du terme; il faudrait qu’il puisse comprendre la valeur des choses de notre monde humain. 

« Il sait qu’il a fait une bêtise »

Je m’explique. Si Médore « sait qu’il a fait une bêtise » lorsque vous rentrez du travail et voyez votre quatrième canapé déchiqueté, cela impliquerait donc qu’il ait conscience de la complexité du Bien et du Mal humain. Mais voilà, le chien est un chien et possède un cerveau de chien. En revanche ! Il perçoit absolument tout de votre non verbal (vos comportements). De votre para verbal (la manière de le dire) et de vos émotions.

Ce qui importe pour votre chien, ce n’est pas la valeur du canapé ou les concepts de Bien et de Mal du monde humain. Mais bien vous, son maître ! Ce qui lui importe ce sont vos émotions, vos réactions, vos comportements par rapport à un contexte ou une situation. Plus la situation se répète plus il fait des associations (car ça il sait parfaitement bien faire) et plus il anticipera vos réactions. Voire pourra même les provoquer si celles-ci lui sont favorables et qu’il y trouve un intérêt. Intelligents ces toutous ! 

Un animal ne sait pas faire de « plan sur la comète » concernant une situation future, il observe, il vit la situation présente, apprend dans l’expérience et en retient une conclusion. 

A la question qui vous brûle les lèvres « pourquoi alors Médore a la queue entre les pattes et le regard fuyant quand je le surprends la mousseline du canapé dans la gueule ? »

La réponse est la suivante : il s’adapte et se soumet aux comportements de mécontentement que vous émettez lorsque vous rentrez chez vous. Puis si cela se reproduit, fera l’association entre votre retour et votre mécontentement (pensée du chien : « lorsque mon maître rentre à la maison il grogne »). 

« Mais cela ne résout en rien le génocide de canapé !» me direz-vous, et je suis tout à fait d’accord, puisque la destruction est un comportement adaptatif à un environnement anxiogène pour le chien. Mon métier est justement de trouver quel est cet élément qui génère de l’anxiété. Je ne pourrais pas vous donner une liste exhaustive des causes puisque qu’il s’agit d’un travail avec des êtres vivants (autant les maîtres que les chiens). Celles-ci peuvent être émotionnelles, relevées d’un traumatisme, d’un apprentissage, d’un message erroné, d’un trouble dans l’évolution psycho-affectif de l’animal etc… 

Voici donc les premières esquisses du monde du chien pour clore ce premier thème et cette année 2020. Une nouvelle année débutera très bientôt et avec elle je l’espère de nouvelles opportunités pour égayer nos vies.

En attendant ce renouveau, je vous souhaite à tous de très belles fêtes de fin d’année malgré tout.

Alicia Delaunay,

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